La faune

"GROOOAAAAAARRRR!!!"

Partout on entend parler des redoutables chasseurs Changpa : ces rudes hommes parcourant les monts et les steppes, arc et carquois en bandoulière, vêtu de peaux de grands fauves terrassés à mains nues les yeux bandés dans le dos font mouiller les culottes des dames et hausser les sourcils des messieurs.

Ajoutez à cela la panoplie d’amulettes et de grigri en dent et os, l’odeur animale et l’outre remplie de sang de yak (breuvage magique, le fameux Taureau Rouge, Rèdh Boulh en Changpa) et vous obtenez le cliché parfait du type qui a passé sa vie à massacrer de pauvres bestioles à fourrure pour montrer que c’est lui le mieux pourvu entre les cuisses.

« C’est moi qu’ai la plus grosse ! »
Grüdümaka, Chasseur Changpa.

Tenez qu’est-ce qu’on vous disait ?!

Pourtant, le touriste moyen (oui, vous là) sera sans doute surpris lors de sa petite excursion en territoire changpa de constater que l’essentiel de la faune locale est constitué de paisibles ongulés (que l’on tue avec un couteau spécial : le célèbre coupe-ongulé).

Yaks, chèvres sauvages, moutons sauvages, cerfs, pandas, marmottes, loutres et autres chamois broutent incessamment la prairie avec un air béat et ahuri. Cet air tiens sûrement à la grande variété de plantes psychotropes qui poussent dans les montagnes changpa. Aussi est-il aisé d’abattre l’un de ces bestiaux, eussiez-vous été un enfant manchot atteint d’un fort strabisme divergent et armé d’un bâton même pas pointu.

« Une fois j’ai tué un yak en lui soufflant dessus. »
Grüdümaka, Chasseur Changpa

Oui mais ça, c’est une question d’hygiène bucco-plantaire, Grüdümaka.

Bref, revenons à nos moutons si vous me permettez l’expression.

Cette apathique et pittoresque faune locale n’en est pas moins le pilier de la vie Changpa :
La laine leur permet de se tricoter des petites moufles pour éviter de perdre leurs extrémités à la moindre bourrasque pendant les mois d’hiver. Le lait sert à produire quantité de spécialités à base de beurre et de fromage typique des peuples de montagne au sens gastronomique hasardeux. C’est une viande facile d’accès (on parlera de cueillette, tant les bestioles sont amorphes) et succulente surtout en terrine (les fameux pots de lapin tant appréciés par le roi d’Ilahun). Les yaks servent de bête de somme et de moyen de transport (pour peu que l’on ne soit pas trop pressé). Finalement, les Changpa tirent un grand profit des safaris qu’ils organisent pour les gothiques qui apprécient de pouvoir tuer une grosse bête velue en pensant risquer leur vie…Sehr Exötisch.

Mais alors, où sont les redoutables prédateurs sanguinaires qui arpentent la nuit, les yeux brillants et la bave aux coins des lèvres à la recherche d’une proie innocente à faire couiner de douleur des heures durant ?

Et bien, comme toutes les espèces qui ont su gravir les échelons de la chaîne alimentaire en se dotant de griffes, de dents pointues et d’une santé mentale déficiente (donnez à l’érudit gothique Sigh Mundfröd n’importe quel loup, il vous le déclarera sociopathe), les races prédatrices des montagnes changpa préfèrent résider dans des antres lugubres où il est de bon goût d’entasser les crânes de ses victimes. Question d’image de marque sans doute.

De fait, les ours, qu’ils soient brun, noir, géant ou à collier, les lions des cavernes, les panthères des neiges, les yétis et les tigres blancs pullulent à haute altitude, dans les neiges éternelles où il fait tout le temps froid et pas beau. Peut-être pour pouvoir conserver la viande au frais plus longtemps ?

Ces animaux qui vous arracherait la tête pour y planter une paille d’une pichenette sont la fierté des Changpa. La plupart des tribus tirent leur nom de l’une de ces espèces et envoient leurs jeunes les chasser sous prétexte qu’ils n’auront jamais d’épouse s’ils n’ont pas de grosses cicatrices à exhiber. Bien-sûr sans renier leur profonde non-violence et leur éternel détachement méditatif. Bien-sûr, bien-sûr…

« Chasser panthère avec haleine ! »
Grüdümaka, ex-chasseur Changpa, excrément de panthère.