La lettre tomba sur le bureau, avec les autres. La table est recouverte de paperasses, de cartes, de rapports, de décomptes et recomptes. Sur un lettre on peut lire le nombre de soldats valides de la quatrième division de la phalanstère. Un autre relate les avancées technologiques des balles volantes ou bien l'explosion puissante que provoque une certaine pierre au contact de l'eau.
Weylkyu regarde le plafond de son bureau. Il se permet un de ses rares sourires. Il tient enfin l'occasion rêvée de prendre cette satanée île sans trop de heurts. Les Skaers ont déjà bien ravagés et ses espions ont commencé de monter les indigènes les uns contre les autres. C'est le moment idéal. Merci, Kongr Tarik. Les choses sont simples. Dans le port, il a une armée prête à ravager terres et mers, piller sans discontinuer pendant plusieurs générations. Il y a des bouches de dragon, venue spécialement de l'est pour l'occasion. Une légion au complet de bêtes d'assaut, ainsi que des ailés dressés pour lâcher des boules de pois enflammées sur les ennemis. Il y a plusieurs phalanstères de piquiers, des nouvelles technologies plus ahurissantes les unes que les autres, plus puissantes et dévastatrices. Le seul problème, c'est ces satanés régents des autres cités. S'il envoie la totalité de son armée, les autres vont lui tomber dessus. Le Mahavarix doit trouver un moyen pour envoyer les autres au casse-pipe, que cela soit utile et que, surtout, ça ne profite pas aux autres.
Il eut une idée.
Il piocha un rapport dans une pile.
Les hommes-termites, les radeaux, l'île au nord-est, les amazones, le Kongr qui demande de l'aide. Cinq. Oui, cela fait bien cinq différentes destinations à couvrir. Le plus important? Sûrement l'île. Ou les termites. Cela dépend ce qu'il se trouve dans ces satanées mines, sûrement rien. Bien sûr qu'il n'y a rien, mais au moins j'aurais la paix avec Tebtunis. Quoique. Peut-être serait-il plus intelligent de... Mais bien sûr, tout est clair!
Weylkyu prit une plume, prit un beau morceau de vélin et répondit lui-même au Kongr.
"Mon très cher frère de sang.
J'ai reçu il y a peu de temps une lettre bien étrange en provenance de l'ouest. Vous me dites que les Gothiques ont attaqué et que vous avez besoin d'aide? Ma foi, je pensais que vous pourriez vous débrouiller tout seuls. Mais, vous avez de la chance. Il se trouve que je viens d'envoyer une missive à Nekhen pour vous aider à ouvrir de la boîte de conserve. Il y a une arme qui sort droit de mes fourneaux et vous m'en donnerez des nouvelles. Cependant, les navires sont lourds et peu rapides, vous devrez attendre et résistez un peu sans moi. Mais soyez sans crainte, au pire, on vous vengera dignement.
Avec toutes mes salutations distinguées,
Weylkyu."
Du beau foutage de gueule. Même ce simple barbare comprendra qu'il ne suffit pas de demander de l'aider à la Confédération pour en obtenir. Bon, maintenant, tenir au loin mes très chers alliés.
Une missive à Nekhen pour lui dire d'aller aider les Nordiques avec la moitié des soldats. Ne pas prendre d'initiative, frapper là où il y a le moins de risques. Uniquement avec des flèches et du feu, pas de risques. Tenter de capturer le chef ennemi. En bref, se sont nos alliés, pas nos amis. Ne ménager ni les Nordiques, ni les Changpas.
A Antinoe. Cap au nord avec toutes les légions et tous vos soldats. Vous serez bientôt rejoint par Tebtunis. Avec toute l'armée, là aussi. Pas de quartiers. Vous avez exactement un an jour pour jour dès maintenant pour vous emparer de la totalité de l'île.
A Vershgala. Allez voir ce que veulent ces nomades. Ne faites pas la guerre, ils pourraient être très utiles. Faites en des alliés. Et ensuite, prenez tous les hommes que vous pouvez, ainsi que les surplus militaires de toutes les cités. Cette année va être une année faste vous allez faire un raid sur Smyrme. Une attaque, une ville en feu. Rien de plus. Les légions seront pour la plupart au nord et personne ne vous attaquera sur les mers.
Weylkyu siffla et balança les missives en lançant des ordres secs et précis.
Finalement, il se tourna vers la fenêtre. Quand à lui, il allait partir en personne dire bonjour à ses troglodytes. On allait voir ce qu'ils pensaient d'être enfumés.